Crimes de guerre
Crimes de guerre et crimes contre l’humanité
Une traduction française de cet article peut être lue à : http://quibla.net/palestine/pal80.htm
par Mazin Qumsiyeh, http://qumsiyeh.org, 19 mai 2004. Traduit de l'anglais par MC pour Quibla
L'auteur est professeur associé à l'Université US de Yale et un défenseur très actif des droits humains des palestiniens. Chrétien, il est né dans le village palestinien de Beit Sahour, près de Bethléem. Il suit les traces du regretté Edward Saïd de l'Université de Columbia. Son dernier livre, "Sharing the Land of Canaan" (Partager le pays de Canaan) (Pluto Press, Londres et Sterling, Virginie) est "à lire absolument par tous ceux qui s'intéressent au conflit arabo-israélien", selon le professeur Marvin Mezvinsky, de l'Université centrale d'État du Connecticut et co-auteur du livre "Jewish fundamentalism in Israel" (Fondamentalisme juif en Israël).
Le 18 mai dernier, Amnesty International a publié un communiqué qualifiant de crimes de guerre les démolitions de maisons et les expulsions de Palestiniens par les Israéliens. Le même jour, Israël tuait vingt Palestiniens, dans leur grande majorité non armés, et continuait à démolir des maisons à Rafah (près de 2 000 maisons ont été détruites dans cette seule ville). Ironiquement, toujours le même jour, CNN rapport que le président américain avait été salué par une vingtaine d’ovations debout au cours d’un discours prononcé devant l’Aipac (American Israel Public Affairs Committee), influent lobby pro-israélien, dont le soutien politique est fortement sollicité par l’administration actuelle, tout particulièrement dans la perspective de la candidature de Bush à la réélection. Amnesty International a également exhorté les Etats-Unis à mettre un terme à ses exportations d’armes et d’équipement militaire (tels les bulldozers de la marque Caterpillar) utilisés afin de perpétrer ces violations à grande échelle du droit international et humanitaire. En réalité, ces expéditions violent tout aussi bien les lois sur les exportations des Etats-Unis, qui interdisent les exportations d’armement vers des pays violant gravement les droits de l’homme et la légalité internationale. Rien qu’au titre de l’année 2003, les Etats-Unis ont envoyé plus de 5 milliards de dollars d’aide directe et indirecte à Israël. Le lendemain, soit le 19 mai, des hélicoptères munis de mitrailleuses payés par les Etats-Unis et pilotés par des Israéliens ont tiré des missiles contre une foule de civils, faisant vingt-trois morts, majoritairement des enfants, et blessant des dizaines de manifestants non-violents. Le fait que cette énième intensification dans les violations des droits de l’homme dans les territoires occupés par Israël intervienne dans un contexte où les médias sont focalisés sur la situation en Irak n’est certainement pas dû au hasard. Cela explique sans doute pourquoi beaucoup d’apologistes d’Israël, au sein de la présente administration américaine, ont poussé à envahir l’Irak bien avant les attentats du 11 septembre 2001. En réalité, c’est en 1996, déjà, que Richard Perle, qui présidait un comité de néoconservateurs entretenant des liens très é troits avec Israël, avait proposé des plans consistant à fusionner les intérêts israéliens et américains en renversant le gouvernement irakien. La version publique de ces projets, présentée dans un rapport intitulé « A Clean Break : A New Strategy for Securing the Realm » (Une rupture franche : Une nouvelle stratégie pour garantir l’Empire) fut soumise au Premier ministre israélien d’alors : Netanyahu. (L’Empire désigne, bien entendu, ici, l’empire israélien) Le document préconisait le renversement de gouvernements indésirables, et d’augmenter et de redéployer nos positions militaires extérieures en étroite coordination avec les intérêts sionistes. Le fait que l’occupation de l’Irak et celle de la Palestine soient liées n’a pas seulement pour conséquence la mise en application des feuilles de routes décrites dans des documents du types d’ « Une Rupture franche » : il trouve sa traduction y compris dans la formation et le conseil de nos forces en Irak, par les Israéliens, et dans la collaboration stratégique dans la mise au point de nouvelles armes et dans le partage du renseignement. Mais on nous dit qu’Israël est une démocratie et que les Etats-Unis veulent apporter la démocratie au Moyen-Orient ? Je tiens à dire que si nous recherchions véritablement la démocratie, pourquoi ne commencerions-nous pas par nos Etats-clients : Israël et l’Egypte. En Egypte, Husni Moubarak prépare son fiston à sa succession, après deux décennies de sa dictature vassale tenue à bout de bras par les Etats-Unis. L’Egypte perçoit plus de subsides américains qu’aucun autre pays, à l’exception, faut-il le préciser, d’Israël. Quant à Israël, Amnesty avait été amené à définir ce pays ainsi : « En Israël, par exemple, plusieurs lois sont explicitement discriminatoires. Ces lois remontent à la fondation de l’Etat d’Israël, en 1948, laquelle, ayant é té motivée au premier chef par le génocide raciste dont les juifs d’Europe avaient été victimes durant la Seconde guerre mondiale, était fondée sur la notion d’un Etat juif, pour le peuple juif. Certains lois d’Israël se font le reflet de ce principe, et en conséquence, exercent une discrimination envers les non-juifs, en particulier les Palestiniens qui vivaient sur ces terres depuis des générations. Le Premier ministre israélien Shamir a déclaré un jour que « l’Etat juif ne peut exister en l’absence d’une idéologie particulière.
Nous ne pourrons exister très longtemps comme tout autre Etat dont le principal intérêt consiste à assurer le bien-être à ses citoyens. » La situation est encore bien pire dans les territoires occupés de Cisjordanie et de la bande de Gaza où Israël a transplanté 400 000 colons afin de les installer sur les terres palestiniennes confisquées. Les Palestiniens « des territoires », à la différence de ceux auxquels Amnesty International faisait allusion plus haut, ne sont pas des citoyens et son essentiellement privés de droits. La Cour suprême israélienne a ainsi donné à l’armée totale liberté de procéder à des exactions telles les démolitions massives à Rafah. Ces 3,5 millions de Palestiniens sont menés comme du bétail, entourés de murs, on les exécute, ou bien on les emprisonne sans jugement, on les affame. Les statistiques catastrophiques – chômage à 70 %, personnes au-dessous du seuil de pauvreté à 60 %, malnutrition des enfants à 40 % - ne donnent qu’une pâle représentation des croyances indicibles causées par trente sept années d’occupation militaire illégale. Les contribuables des Etats-Unis, à travers les programmes d’aide extérieure du gouvernement américain, se rendent responsables de cette situation en la subventionnant. Nous vivons dans un monde orwellien, dans lequel les droits de l’homme et la justice la plus élémentaire sont écrasés au profit de la domination et de la puissance, et où l’hypocrisie et le deux poids deux mesures sont généralisés. Pour avoir occupé le Koweit et violé une poignée de résolutions de l’ONU, l’infrastructure civile de l’Irak fut totalement détruite et le pays soumis à quatorze ans de sanctions et d’état de siège qui ont causé (selon l’ONU) la mort de 50 000 enfants irakiens mensuellement. Lorsqu’on a demandé à la secrétaire d’Etat américaine Madeleine Albright, au cours de l’émission télévisée « Soixante Minutes » si la mort d’un demi-million d’enfants irakiens était justifiée, elle a répondu que : « oui, c’était le prix à payer ». En revanche, Israël qui a violé 65 résolutions de l’ONU (et qui a été mis à l’abri de 35 autres par le veto des Etats-Unis), reçoit néanmoins une aide massive du gouvernement des Etats-Unis. Tandis qu’Israël intensifie son nettoyage ethnique et ses pratiques d’apartheid, beaucoup de gens continuent à ignorer le racisme, la violence et l’injustice que nous persistons à financer avec nos impôts. Beaucoup de gens continuent à se cacher la tête dans le sable et préconisent la poursuite de la même politique. Néanmoins, le monde n’ignore pas l’histoire des Etats-Unis et connaît l’esclavage, le massacre des indigènes d’Amérique, la guerre au Vietnam, l’apartheid sud-africain. La seule question est celle de savoir combien de temps encore l’opinion américaine permettra-t-elle que l’ignominie actuelle se perpétue ? |